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Comètes sanglantes - Constellations et rivages

Les constellations et les rivages

ne nous ont point fait commettre une erreur de route...
(Enéide Livre VII 170-215) Virgile 






Si j’étais femme de marin, le front collé à la vitre battue par des paquets de pluie et de mer, à prier le ciel, la Vierge ou même l’Ankou de te laisser cette fois-ci encore la vie, te confiant dans un même mouvement à la Providence, la Chance ou Yhwh une fois pour toutes et chaque jour sans cesse,

afin que ta peau piquetée de roux ne soit jamais boursouflée par des gaz déformant ton corps de noyé dérivant entre deux eaux, ou que tes yeux plus verts que les chevelures des laminaires dans lesquelles s’emmêlent les épaves perdues des naufrages inévitables, que tes yeux verts ne soient jamais crevés par les pinces des crabes,

que tu ramènerais par caissettes entières à quai, à moins que tu ne sillonnes entre les banquises des mois durant, et je t’aurais alors offert un chien terre-neuve noir à langue bleue pour qu’il posât indéfiniment ses pattes dans tes pas, 
 
parce que tu ne serais point armé au faîte d'une tourelle d'acier, ni otage volontaire d'un sournois tapi dans les profondeurs, mais marin des mers, de ses peuples d'écailles, peaux, mucosités, chairs, 
 
si j’étais femme de tel marin, femme de celui qu'une femme attend la crainte au ventre quotidienne comme une croix portée, comme une ferveur permanente puisque tu risquerais ta vie à courir les océans et que j’éprouverais la mienne à purger l’encre de mon sang, à écrire encore et encore, pour écumer le plein du cœur,

puisque la proue de ton navire fendrait incessamment les flots et tracerait imperturbable deux gerbes bouillonnantes se séparant, s’éloignant l’une de l’autre, telle une flèche, une bifurcation éternelle dont la rémanence mourrait dans le liquide bleu de mes écrits et de ton souvenir, 

si j’étais femme de marin, en habit perpétuel de l’un de tes vieux pulls râpeux, jusqu'à l'approche de ton retour et je me ferais alors ni trop belle ni pas assez, peut-être le cache-cœur noir à petites fleurs jaunes et rouges, 
 
habit de tromperie puisque tout mon temps tout entier durant ton absence n'aurait été que rêveries, livres-amis, divagations, temps d’écriture enfin, comme une explosion douloureuse et jouissante, une réponse armée à ton obstination à guerroyer la mer,

nous serions quitte alors. 
 
Et, parce que le phare là-bas épaulé par les cornes de brume guiderait nos retours depuis les mondes obscurs, toi de la haute mer et moi des voyages immobiles, à cause de la promesse échangée par nos mains tachées d’encre ou de son sur les blancheurs laiteuses de nos peaux, peut-être alors n’aurais-je pas besoin de choisir entre toi et l’écriture.

Mais ma foi s’est éteinte pour avoir trop crié vers Lui sans qu’Il ne m’épargne pour autant mille morts successives et j’ai renoncé à veiller en rosaires incessants sur mes amours, gardant le peu de forces qui me restent à dire la malemort,

et je ne suis femme de marin, pour n'en savoir la réalité, ni femme de personne ni plus amante d'aucun héros surgi dans ma nuit calme et pure, avec sa suite lugubre et sanglante

et même si l’océan te gardait un jour prisonnier des laminaires vertes, à cause d'une comète passée trop près ou parce que tu explores les navires engloutis et les avions foudroyés,

pour avoir tutoyé les astres, 
 
et tu arrives alors après les drames, photographiant la vie somptueuse qui naît là, de la suprématie des vies supplémentaires sur les tôles tordues ou miraculeusement indemnes, les coraux, les murènes dans les soutes éventrées, les poissons et bêtes multicolores peuplant les ponts renversés

et je sais que tu consens alors à remonter des profondeurs pour fouir ton visage dans mes cheveux d'algues, tandis que mon crâne reste hanté sans que tu t’en doutes par les cris et les corps épouvantés des naufragées, 
 
mais je ne troquerai pas le cache-cœur fleuri contre ton vieux pull râpeux pour n'avoir pris le risque de graver ton odeur sur ma peau, le risque ou la liberté 
 
et deux gerbes d’écume blanche se fondent toujours dans l’océan comme encre bleue diluée

puisque c’est moi qui dois guerroyer de longs mois durant, partir au petit matin et revenir à la nuit, et reprendre à la vanité des petits combats du jour la ferveur moribonde, souffler dessus comme sur braise, la nuit, toute la nuit s’il le faut, le temps de l’écriture,

alors que je sais que tu étreins mon fantôme dans ton sommeil, épuisé par l’attente, et il faut bien que je réunisse les cordages dans mon poing serré avant chaque appareillage et il n’est plus toujours temps de rejoindre la haute mer quand je suis prise par ces flots d'angoisse qui sont comme des instants de naufrage lors desquels je meurs ou crois mourir à chaque fois, 
 
une solitude d'esquif avalé par l'océan,

je vais alors d’île en île, aux abords de notre amour, et j’écris malgré ton silence patient et peut-être douloureux, sur cette mer des fragments, des débris d’épopées qui s’échouent, comme ici sur cette page. 
 

Caillou