La
comète aux grans crins tous sanglans et ardens
Predit
de nos malheurs
les signes évidents
Chaque
matin d’été, une jeune femme a l’habitude de sortir pieds
nus dans le jardin encore mouillé et d’appeler la tortue. C’est une
tortue hors d’âge qui sait, toute lenteur relative, se précipiter
à ses pieds posés en éventail dans l’herbe verte, et les couvrir
de baisers. La jeune femme lui offre des couleurs : fraises
écarlates, fleurs de pissenlits jaunes et duveteuses, étoiles
violettes de bourrache, tendres pâquerettes. Le soir, elle ne ferme
sa porte sans avoir découvert dans quel lit de feuilles sèches
s’est pelotonnée la carapace, toute souplesse relative.
En
froide saison, tortue dort sous l’escalier du corridor. La jeune
femme glisse alors deux doigts à la jointure du cou et de la
carapace : la peau fraîche et ridée, soyeuse, palpite
doucement.
Ce
rituel accompli, la nuit peut alors être longue, attendue tout au
long du jour. Lampe, livres, encre, pile de feuilles de papier
noircies lentement. La jeune femme a le temps et sa propre peau en
devient soyeuse : nuit d’écriture, travaux du jour, les
bornes de ce cycle immuable posées par les visites à la tortue,
garante de l’éternité. Sept ans durant. Quelques amants.
Quelques enfants. Un jour, elle écrit un roman avec la tortue
dedans. Puis la tortue disparaît, volée. Voisin retors ou
confrère envieux. La jeune femme en chemise de nuit blanche
fouillant le jardin. Vaines recherches. Sidération. À midi, ses
cheveux blanchissent. À minuit, ses mains paralysées.