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Station I, 2

                                                    Arcachon, été 1960



Au loin l’océan. On ne voit pas la plage ni le rivage, barrés par une dune blanche clairsemée de touffes d’oyats hautes et longues entre lesquelles, jambes jointes, étendue sur le côté gauche, la sirène. En attente d’une pluie d’or ou de la visite d’un demi-dieu, son sourire est espérance pour une translation vers des jardins embaumés. Son bras gauche figure une anse. Un appui entre coude et main soutient la pose sans briser la ligne horizontale des épaules. Le port ni altier ni modeste affirme une idée de présence – je suis là – qui dit le retour depuis des rives morbides. Ce à quoi il ne faut pas faire plus de cas. La nuque un peu haussée, tendue par un effort qui ne veut en paraître, parle d’une jeune femme avec des parenthèses certes, mais revenue. Le buste ainsi maintenu, corseté de seul vouloir, à peine décolleté par le maillot de bain, un nageur une pièce, donné pour gris, s’offre par cette anse gauche presque naturelle. On pourrait saisir par là, et poser la sirène sur une cheminée, un buffet. Le buste sur la droite amorce un recul, un semi-repli. L’avant-bras a manqué effacer le sein, mais un ajustement de la pose l’a cueilli recueilli lové dans le gras du biceps, si bien qu’un certain galbe, mais point trop. Posture prise, la question du bras (qu’en faire) se trouve résolue par une disposition traversante, la main droite en pronation, coquillage tourné chair contre sable, les ongles blancs. Elle implore, cette main, dessein trahi par une avancée un peu factice, comme projetée, de nulle utilité quand à l’équilibre du corps. Sans aucune vulgarité cependant, tout au plus une décence un peu crâne, comme billet à délivrer à quelques rares récipiendaires par le frère photographe, futur héraut. Auprès de quelques uns, pas plus, de bonne famille ou situation. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : il fut par la suite question d’un médecin, d’un tenant de quelque rare titre nobiliaire et de l’homme du bal.



La taille comme creux de vague roulante. Ces jambes déliées, genoux et chevilles joints. Des pieds nus et vierges, baisés par le sable blanc, saouls de tant de caresses, à chaque pas des milliards de caresses, à aller de ci de là à la suite du petit pâtre des sables. C’est ainsi qu’elle le nomme, ce frère petit et mince, joli frère, elle lui connaît des yeux ourlés de fille, des boucles serrées, des secrets du désert où une guerre l’aura tenu trop longtemps. Elle a lu ceci quelque part, sur ces jeunes hommes revenus depuis l’autre côté, troquant l’uniforme pour des trois pièces cravates, les cheveux encore ras, quelque chose de sombre dans les yeux qui veulent oublier. Elle, Elle offre sa peau pâle, l’indéfini de sa longue chevelure dénouée un jour de plage. Pour une photographie en noir et blanc susceptible de glisser hors du portefeuille du frère qui sort beaucoup. Les hasards feraient devenir princesses ou reines. Chagrinent les cœurs des jolis frères aimants.



Il y eut donc des rires. Non pas des éclats, mais des rires gênés, à l’apprêt de la pose pour la photographie, comme au souvenir tout neuf de l’enlisement de la petite voiture bizarre aux roues minuscules à flancs blancs, que le frère tenait à pousser au plus près derrière la grande dune, hors du regard d’argent de l’océan. Après la photographie il y eut aussi des cris, à cause de la mitraille glacée rapportée dans sa course par le frère devenu, dans les vagues roulantes, un jeune chien fou ruisselant. Il aura joué à la surprendre, elle qui a si peur de nager, qui ne se sera pas même baigné les pieds à la lisière des flots, là où moussent et bouillonnent les sucs poisseux. Et il se sera passé ceci  : le pâtre métamorphosé en bête trempée droit sur elle avec des hurlements guerriers. Et elle se dresse, courir mais vers où, vers la petite voiture blanche, la plage invisible, et le frère devenue bête aurait fait alliance, avec quels démons, et l’océan le talonne, et elle court, c’est le grand effroi, elle fuit, ce n’est plus un jeu, elle vacille dans les pleurs, dans le sable bruissant, tombe sous la peau froide et visqueuse du frère qui l’a rattrapée, pâtre plus si joli, plus si doux, les yeux moins fille et  les lèvres dures sur sa nuque. Il fallut en rire, des rires cris. Se relever et courir encore, les pieds les jambes se tordent, se laisser poursuivre, par jeu, fabriquer un souvenir de jeu. Vent dans la chevelure grise, couleur mauvais sort jeté attrapé. Une débâcle. Les rires cris hachés par l’haleine glacée de l’océan. Il n’y a personne d’autre. Rien que l’océan et le ciel se courrouçant en tentacules, à cause des cris poussés par une sirène, par le leurre de sa chevelure d’écaille dessus le sable blanc, par sa traque entre les herbes hautes, frayée jusqu’aux pleurs par le corps nu d’un jeune guerrier. Frère, joli frère. Ravissement manqué. Sirène figée et veille infinie par un héros défiguré.

Caillou