écrire ces choses
ne pas s'égarer
Elle s'appelle Pietra, Pietra Balsi. Elle est cilice dans sa propre chaussure. Pierre contre laquelle ils trébuchent. Elle vit dans l'angle d'un carreau de verre soufflé au grand feu mais par qui. Elle est piètre compagne. Rugueuse, elle n'est pas polie. Elle texte, dira, même si elle se défie. Elle sème aussi. Et garde.
Alors que dans ce pays-ci de contrastes violents — soleil acide, déluges, vents maritimes, mistral — la lumière toujours. Donc plutôt l’auvent de tuiles attachées, les croisées étroites, les dallages ajointés de terres cuites ou de pierres, la végétation lente.
Un déambulatoire. Quatre côtés à ciel quasi libre.
Une toile. Et ne pas la vouloir toile. La vouloir minérale et hautaine, dressée verticale et infréquentable, église désaffectée, celle quelque part là-bas sur la Nationale 4, bien avant Sézanne, au bord des plaines crayeuses, une croisée de trois rues un village sans personne ou quasi; église à murailles ternes sous mornes vents, à charpente cariée de morbidités; église à mécaniques agricoles remisés là, désattelées, choses ferreuses bleu outremer passé ou orange amer fané, limaillées grumeleuses, à corrosions rousses et noirâtres; église à tuilerie crevée au surplomb de bâches plastiques noir pétrole, talquées de mycoses blanchâtres, de grands roulés affaissés de foin grisâtre sporeux, à cordages bleus vifs tels gréements de bâtiment à mille de fond, défaits, tourbillonnés, envols de pigeons et coulées de vents ondés, remuances glauques, vert-de-gris, siphonnées clapotées en vertical en horizontal en bayadères obliques entre d'inébranlables murailles curées à l'os; église à chaises et bancs de bois retournés les uns vers les autres dans le narthex, empilés assise contre assise pieds dans pieds, prie-Dieu tête-bêche sur prie-Dieu, inextricables mais devant l’être, un usage festif et communautaire, fête patronale ou quatorze juillet, ce souci de les vouloir utilisables, rentables, cette imbrication raisonnée dans l’avant-nef, à l’abri du pilonnage, fientes pluies neiges, des éléments aqueux infiltrés, nappes tombales de brouillards, tranchées combles mais spongieuses, champs de raves glaiseux, les étés si courts qu'ils ne remédient en rien à rien, moisissures dégorgements coulures; église morne, marnée, et de tout ceci, de fait, ne perdure plus aucune volition d'une toile hautaine, d'une toile ecclésiale, raideur grise et détrempée, quand bien même le taiseux des murs, la rareté opportune des passants, mais les ondoiements morbides les tombants de crevure verdâtre, alors non.
- être allée au bout de la Chaconne, avoir vérifié que la chair des mains la tienne
- trop d'arbres pour écrire, à les saluer tous, tout ce temps
- Uccellini, pousser avec tous les muscles du pouce, le son dans les faces intérieures des poignets
- lier les idées (ou pas)
- quitter la mer, l'amer, l'amère
- sortie d'un établissement quand, rejetée par la ville hors la ville, cet établissement étant à lui seul ville. L'identité dans la ville, l'identité hors la ville : à quel endroit être soi pour de vrai ?
-mains démultipliées temporalisées ou fonctionnalisées : main/violon, main/archet, main/pinceau. Mille sortes de mes deux mains. Ceci un travail au long cours : travailler les mains, apprendre aux mains, travailler par les mains, apprendre des mains. Chaque geste a son cri, silencieux pas inaudible.
-corps immobile, corps verrouillé, la clé des bras, corps empêché : et puis la libération, la pulsion de vie, l'acté et tous les gestes aphones précédemment, appris comme mécanique précédemment, avec ou sans patience, avec du soi dedans ou empreinte du répétitif avec sursaut de conscience, les gestes sachants entravés du manque de chair libre et tiède. Et la langue. Collée au plafond. Tenue. À force dents, saigne.
- le fait que le bois du bois le feu du feu et le quotidien hors la ville tournerait tout autour.
- le fait que l'on est toujours seul avec ce qu'il y a de dit que personne ne souhaite entendre en réel.
- faire parler le mort (être morte à l'ancienne morte) faire parler la morte. Ou bien Bois-Joli.
- très fugitif : s'interrompre dans la Chaconne pour noter un doigté, l'archet confié sans désarmer à deux doigts de la main gauche, et à main droite, sous la voûte des phalanges, sous le cercle du pouce, le crayon. Noter, poser le crayon sur le pupitre, reprendre l'archet, et sous les doigts rien n'avait permuté, archet ou crayon, cela, crayonner du violon
- il faut que ça avance =====> d'un trait =======> d'un trajet
Ou du côté de la Cassole, au contrefort de la grande bascule des pins rouille et encre, là où bouillonnent et gouttent la calcite et la dolomie en orgues et stalactites, élire hastelier le temps nécessaire. Trogloxène, elle déplacerait à sons étouffés son propre corps, les objets. Une grande salle douce et concave et grège, une orbite blanchie. Depuis les meurtrières taillées dans l’opercule partiel maçonné du même tuf, glisseraient sur le sol poudreux sur les parois bosselées sur les voûtes des fûts obliques luminescents, de levant en ponant.
Extérieurs :
un mur à ciel ouvert quelque part dans la montagne, enclos de trois autres murs
quelques jardins à constantes variables et invariables
des portes extérieures avec clés
des sols inconstants
Intérieurs :
des églises vides sans portes
des cuisines à constantes variables et invariables
une partition de Bach
un mur enclos et chaulé pour une fresque à venir