écrire ces choses
ne pas s'égarer
Elle s'appelle Pietra, Pietra Balsi. Elle est cilice dans sa propre chaussure. Pierre contre laquelle ils trébuchent. Elle vit dans l'angle d'un carreau de verre soufflé au grand feu mais par qui. Elle est piètre compagne. Rugueuse, elle n'est pas polie. Elle texte, dira, même si elle se défie. Elle sème aussi. Et garde.
Alors que dans ce pays-ci de contrastes violents — soleil acide, déluges, vents maritimes, mistral — la lumière toujours. Donc plutôt l’auvent de tuiles attachées, les croisées étroites, les dallages ajointés de terres cuites ou de pierres, la végétation lente.
Un déambulatoire. Quatre côtés à ciel quasi libre.
Une toile. Et ne pas la vouloir toile. La vouloir minérale et hautaine, dressée verticale et infréquentable, église désaffectée, celle quelque part là-bas sur la Nationale 4, bien avant Sézanne, au bord des plaines crayeuses, une croisée de trois rues un village sans personne ou quasi; église à murailles ternes sous mornes vents, à charpente cariée de morbidités; église à mécaniques agricoles remisés là, désattelées, choses ferreuses bleu outremer passé ou orange amer fané, limaillées grumeleuses, à corrosions rousses et noirâtres; église à tuilerie crevée au surplomb de bâches plastiques noir pétrole, talquées de mycoses blanchâtres, de grands roulés affaissés de foin grisâtre sporeux, à cordages bleus vifs tels gréements de bâtiment à mille de fond, défaits, tourbillonnés, envols de pigeons et coulées de vents ondés, remuances glauques, vert-de-gris, siphonnées clapotées en vertical en horizontal en bayadères obliques entre d'inébranlables murailles curées à l'os; église à chaises et bancs de bois retournés les uns vers les autres dans le narthex, empilés assise contre assise pieds dans pieds, prie-Dieu tête-bêche sur prie-Dieu, inextricables mais devant l’être, un usage festif et communautaire, fête patronale ou quatorze juillet, ce souci de les vouloir utilisables, rentables, cette imbrication raisonnée dans l’avant-nef, à l’abri du pilonnage, fientes pluies neiges, des éléments aqueux infiltrés, nappes tombales de brouillards, tranchées combles mais spongieuses, champs de raves glaiseux, les étés si courts qu'ils ne remédient en rien à rien, moisissures dégorgements coulures; église morne, marnée, et de tout ceci, de fait, ne perdure plus aucune volition d'une toile hautaine, d'une toile ecclésiale, raideur grise et détrempée, quand bien même le taiseux des murs, la rareté opportune des passants, mais les ondoiements morbides les tombants de crevure verdâtre, alors non.
- être allée au bout de la Chaconne, avoir vérifié que la chair des mains la tienne
- trop d'arbres pour écrire, à les saluer tous, tout ce temps
- Uccellini, pousser avec tous les muscles du pouce, le son dans les faces intérieures des poignets
- lier les idées (ou pas)
- quitter la mer, l'amer, l'amère
- sortie d'un établissement quand, rejetée par la ville hors la ville, cet établissement étant à lui seul ville. L'identité dans la ville, l'identité hors la ville : à quel endroit être soi pour de vrai ?
-mains démultipliées temporalisées ou fonctionnalisées : main/violon, main/archet, main/pinceau. Mille sortes de mes deux mains. Ceci un travail au long cours : travailler les mains, apprendre aux mains, travailler par les mains, apprendre des mains. Chaque geste a son cri, silencieux pas inaudible.
-corps immobile, corps verrouillé, la clé des bras, corps empêché : et puis la libération, la pulsion de vie, l'acté et tous les gestes aphones précédemment, appris comme mécanique précédemment, avec ou sans patience, avec du soi dedans ou empreinte du répétitif avec sursaut de conscience, les gestes sachants entravés du manque de chair libre et tiède. Et la langue. Collée au plafond. Tenue. À force dents, saigne.
- le fait que le bois du bois le feu du feu et le quotidien hors la ville tournerait tout autour.
- le fait que l'on est toujours seul avec ce qu'il y a de dit que personne ne souhaite entendre en réel.
- faire parler le mort (être morte à l'ancienne morte) faire parler la morte. Ou bien Bois-Joli.
- très fugitif : s'interrompre dans la Chaconne pour noter un doigté, l'archet confié sans désarmer à deux doigts de la main gauche, et à main droite, sous la voûte des phalanges, sous le cercle du pouce, le crayon. Noter, poser le crayon sur le pupitre, reprendre l'archet, et sous les doigts rien n'avait permuté, archet ou crayon, cela, crayonner du violon
- il faut que ça avance =====> d'un trait =======> d'un trajet
Ou du côté de la Cassole, au contrefort de la grande bascule des pins rouille et encre, là où bouillonnent et gouttent la calcite et la dolomie en orgues et stalactites, élire hastelier le temps nécessaire. Trogloxène, elle déplacerait à sons étouffés son propre corps, les objets. Une grande salle douce et concave et grège, une orbite blanchie. Depuis les meurtrières taillées dans l’opercule partiel maçonné du même tuf, glisseraient sur le sol poudreux sur les parois bosselées sur les voûtes des fûts obliques luminescents, de levant en ponant.
Extérieurs :
un mur à ciel ouvert quelque part dans la montagne, enclos de trois autres murs
quelques jardins à constantes variables et invariables
des portes extérieures avec clés
des sols inconstants
Intérieurs :
des églises vides sans portes
des cuisines à constantes variables et invariables
une partition de Bach
un mur enclos et chaulé pour une fresque à venir
Scriber les sons et la pulse des espaces. Chaque jour différente une ritournelle née du matin de la nuit, de la collision des émergences, mantra soliloque obsession oiseau, bien du petit vent dans les tympans. Ne pas vouloir musique et cependant cette perlée, trois fois rien, deux francs six sous et quatre notes, jamais plus d’une dizaine en comptant les réapparitions, une formule en boucle. Avec les noms des notes. Les noms des notes. Ce qui sourd en premier, de la musiquette ou des noms des notes, n’est réel que nommé. Les noms des notes-rhizomes poussent à l’interne oreille les sons de leurs noms en petit agglomérat cireux de voix répétitives. Une anomalie. Une intrusion. Faire quelque chose. Te fermer en cellule, ritournelle, pas bouger, revenir, te réanimer si tu chuintes, te pincer, te secouer, t’écouter ressasser, pour mieux t’entendre mon enfant, te consoler, te faire taire. Ce chagrin, n’en dis point la cause, dis plutôt comment ça se dit, cet entendu, les noms des notes, la cadence de leurs dictions,ni quel affect ou quel sentiment, ni quels sucs entre chacun des noms de notes coulent et charrient quoi, ce qui veut l’être, scribé. Pourquoi ce matin ce fa retardant au mi giclant au la supérieur pour glisser au ré, pourquoi ces noms de notes, fa mi la ré, dans cet ordre-ci, et dans le cheminement physique, incarné tympané de leurs progressions, les uns vers les autres, successivement, sans déroger, fa vers mi vers la vers ré vers fa et ça recommence, liés d’une trace unique de boue luisante, les uns après les autres, convoquant ce qui ne peut être que tourment, acheminé depuis ailleurs, fa mi la ré, quatre dés jetés, quatre perlées, pourquoi moi et pourquoi pas plus tard, autrement, dis, petite ritournelle, pourquoi venir enfermer.
Lever l’exégèse des sonorités par un relevé possible aux titres des éléments. Ne sachant pas, ni les ombres ni ce qu’elles avaleraient. Libérer par l’emprisonnement, géométrie à casser, résistance par augmentation du volume de la ferveur. Grand feu. Petit vent dans les tympans.
Scriber les noms des notes encellulées. Du papier réglé cinq lignes infinies. Parallélépipède couché perspective barreaux horizontaux par cinq et supplémentaires aux envolées. Quatre voies cinq lignes. Quatre voix cinq routes. Quatre cordes et cinq fois cinq barreaux supplémentaires en échelle, vers où. Jamais au grave, terre, plus bas ne saurait s’encaver de plus de deux barreaux additionnels. L’au-delà du sol se décorde. Quatre voix pouce suiveur muet et fourche en crabe musculeux. La mèche aux supplémentaires montre, de la pointe du talon, trace à pinces, avec des petits ronds au milieu. Vois. Voies. Va. Sans peur, nulle mort, la chute grinçante au pire le cou coupé. Tout cela vaincu ou vain. Scriber la ritournelle et l’ignoré des traces visqueuses boueuses d’entre les noms des notes. Scriber les noms pas les tourmenteries. Scriber les interstices d’un nom de note à un nom de note, ponts bifurcations chutes, d’autres noms de notes diminuant ou augmentant les luisances humides et argileuses d’entre, les uniques, les principales. Tout un monde assourdit. Pris au jeu, trait convoquant un autre trait donnant matière au trait suivant. Chacun. L’argile des quatre notes, seule, sans les cinq lignes ou les quatre cordes ne saurait. Chaque barreau comme élastique comme phalange nerf muscle fléchis abducés torsés étirés adductés. Jusqu’à la limite des déchirures. Sans les bois et les pouces et les fourches et les pinces et le crin et le papier réglé et le charbon et la mie de pain la ritournelle s’éteindrait dès la nuit du matin. La scriber noir sur pâle, clair sur sombre, la griffer d’encre, la sgraffiter. Nul n’entendrait. La main. Les oiseaux. Les bois. La gorge coupée. Les mains. Nul n’entendrait hormis l’œil. Ritournelle collée de l’intérieur aux tympans.
Partir du brochage, milieu cahier, écrire en recul les rebours, l’ancien, les instantanés, ces obsessions sur des infimes; depuis pliure médiante, aller par page, avancer les résolus, continuité continuo du passé; l’avenir ourdit du révolu en laissées de silence. Dépôt des encombrants. Construire de l’advenir à vivre, pliure folio, avancer, jeter encore l’inutile, reculer, que la tête l’âme le cœur aillent, légers, centrés, dans l’invention. Dans le dos, renfort, contreforts, couture, fil noué, cartonnage, reliure visible aussi en médiane. Ce qui s’oublie, faute de n’avoir été écrit, disparaît. Non pas de la mémoire : du dire. Ne fait pas matériau. Cependant alourdit, contrarie l’élan, le retient. Des plombs à la ceinture, trop lestée, et s’enfoncer, couler en mer. L’importance du j’ai vu. Aujourd’hui j’ai vu. Ce que j’ai vu de ce jour, dans ce jour — dans cette nuit — et ce que j’ai vu de la réminiscence de l’instantané ancien. L’advenir : courir vers un projet. Dans un projet. Ignoré en grande partie. Plonger plombs ceinturés. Ainsi la maison. À cause la maison. L’avoir rêvée et cependant ne pas l’avoir vue, même en rêve. Telle sa réalité. L’entour, sa manière de fonctionner, ceci oui, un désir d’elle, de sa pierre, de son cœur et de comment il bat. Elle est venue toute seule, et l’alentour parfait, la tournure parfaite. Sans focaliser sur sa recherche: regard chromatisé par la montagne, les roches, les chênes, les pins, la myrte, la terre, un ciel, entour, pourtour, et soudain la maison. La chimère d’elle roulée aux nuages lourds hauts changeants. N’avoir aucun abri et à la pliure une maison et celle-là précisément. Un projet in-projeté, pour être vivant. Maison épousée. Devenue propulsion vers une autre chimère. Réifier. La maison, sa puissance, sa solidité, dos, couverture. Ne pas faire l’erreur de n’y point croire. S’adosser. Se blottir. De là, regarder en périhélie. La toile, le pot, la fresque, le dessin, le dessein : ne les vouloir trop précisément accomplis dans l’œil interne. Se limiter, s’agrandir de l’entour. Les porter en bordure de paupières. Dessiner sans regarder ni la main ni la feuille ni le résultat. Ce qui fonctionne : couler avec la main qui sait. Le cœur de l’objet du dessein choque dans la paume, la main reçoit la résonance, le nimbé de l’entour. Ce serait une histoire d’ouïe. Ne pas chercher à faire. Faire recherche. Écouter partir.
À la table. Sur papier. Papier à scriber les sons et la pulse des espaces. Chaque jour différente une ritournelle née du matin de la nuit, de la collision des émergences, mantra soliloque obsession oiseaux. Du papier réglé cinq lignes infinies il faut. Parallélépipède couché sans perspective, barreaux horizontaux par cinq et supplémentaires si envolées et sans toit. Coucher la ritournelle en cellule, pas bouger, y revenir, la réveiller, la pincer, la tourmenter pour la consoler l’écouter ressasser. Bien du petit vent dans les tympans. Lever l’exégèse des sonorités d’une toile aux titres des éléments. Ne sachant pas, ni les ombres ni ce qu’elles avaleraient. Libérer par l’emprisonnement, géométrie à casser, résistance par augmentation du volume de la ferveur. Chaque barreau s’amollirait comme élastique comme phalange nerf muscle fléchis abducés torsés étirés adductés. Jusqu’à la limite des déchirures. Grand feu.
Quatre voies cinq lignes. Quatre voix cinq routes. Quatre cordes et cinq fois cinq barreaux supplémentaires en échelle, vers où. Jamais au grave, terre, plus bas ne saurait s’encaver de plus de deux barreaux. L’au-delà du sol se décorde. Quatre voix pouce suiveur et fourche en crabe. La mèche aux supplémentaires montre, de la pointe du talon, trace. Vois. Voies. Va. Sans peur, nulle mort, la chute grinçante au pire le cou coupé. Tout cela vaincu ou vain.
Nul n’entendrait. Les mains. Les oiseaux. La gorge. La ritournelle.
Aussi bien, à les ramasser toutes, ces quatre voies, en unique faisceau tenu ferme, toutes en quatre cordes quatre doigts de la main, le débord menace à la fourche que borne un pouce renforcé à l’adaptabilité, se résoudre à considérer l’intraitable machine de la fugue d’école, concéder aux compilations d’interdits, croire aux traités d’exceptions accordées, au cadre, aux limites académiques, se soumettre à quelque bon goût et savoir-faire, se savoir indiscipline impatience méticulosité, en faisant trop, à saillies anguleuses crues à claquage de porte à vomir béton et manger terre, se frotter à, étayer de scholastique une prétention à l’hétéroclite.
Une recherche, s’en tenir là, chercher, une fois de plus, ricercar, sans fin, point contre point en imitations, neuf épisodes ou plus, pourquoi neuf, chacun creusant son histoire toujours la même, neuf visions de toutes les histoires; ou bien juxtaposition de cellules liées par un élément, axées, tonalité ou atonalité, rythme arythmie, cellules arrimées au pivot, un centre, lequel, et pourquoi pas une cellule qui aspirerait aux autres; une fuite une seule, course contre périple, épouvante contre halte, et les absences, les blancs, les uns après les unes, dans le désordre, intervertir causes à effets, dévaler l’escalier à rebours ou le remonter pieds poings, ou inversement fragmenter, aberration de chairs nucléées, peauciers, os, sérosités; alors qu’une fugue, si dangereuse, bâtie, ordonnée avec figure de retournement, retour à, une fugue absorbe l’effondrement, le risque mortel de l’échec, de l’imprévisible irrémédiable, relevant de l’avis de recherche, des forces de l’ordre, de la réitération, des évasions avortées, avec fausses entrées et factices reposoirs, projectile grenaillé, précis, serré, vers l’asseoir final, buté, touché, point. Exit la fugue.
Musécrire en violon solitaire les exils, quatre voies quatre cordes tendues à juste, quatre entrées des clefs, quatre trajectoires leurs bris, tessons, fragments, collages non aléatoires, leurs déroutes, raccourcis, retours, sous gemme maritime térébrante crochée aux torsades tripières, pauvre mouton, filées de cuivre, quatre fois quatre autant de pareillement récurrences, renversements, augmentations, gouges et cintres deux essences d’arbres, diminutions, accordailles, une troisième pour touche, à l’amble au suspendu au tactus, soixante à quatre-vingt crins, pas plus, pauvre étalon, haussés à la lettre mouchetée. Musécrire tout ceci, en vertical en horizontal, et les passages de l’un à l’autre en tangentes subites, en simultané des corps table clave dos volutes, en simultané point contre point contact des poussières térébenthines aux boyauderies crins tactiles, en simultané d’adjacent contrapunctique sinueux les dermes des chairs arboricoles, en fugue unique profuse sans entour possible ni suite ni alternes ni danses de part d’autre, avant après, autour dedans, rien que fugue aussi sec, contrées trajets exils depuis, vers d’autres murs clefs jardins empoissés à l’entendement des rétines.
Si encore un peu joueuse de
d’ancien violon musivaine
la toile collée de l’intérieur aux
aux rétines
les couleurs et
les formes et
les rythmes les sons
saurait bien les donner à voir ou crier
dire le peu du tout
toile collée de
de l’intérieur aux
aux rétines
toile ne cède
obsède
ordonne intime
fuites fugues trajets traces
mais ne l’est plus
ne sait
plus
ne peut
plus
au violon
les sons dans le corps plus
dans la tête aux poignets des lames des graviers
verbe fréquences
géométries imbriquées
vrillés aux rafales empreintes
dissoutes
rien que rêves suints
filochées de.
Reprendre face redresser corps ramasser
images modes lignes angles sujets
recommencer depuis tremblement barré
calme et puis paix pas toujours inquiet allant
vers le dos du jour blanc
à seul à deux à trois à quatre de front une futaie
cage contrainte coeur emballe l’âme
la main criera en appui au sol
la seconde frottera dos du jour blanc
paumes en creux palier après palier
chanterelle crue index guide
ô redescend ô raisonnable
traîne maillons
du sol au jour blanc
racle terre par deux par trois par quatre et pause
poignets menottés
bois cerclés
peau de fibres use du dedans
Fore charpentière
perce au contrevent effrité
pluies grêles vents sables solaire lunaire
fore face toile
toile collée de
de l’intérieur aux
aux rétines.
oh plus hauts
les portails de toujours
plus haut le rocher
hissant le ciel
par dessus la ville
assise à la mer
Un renversement, concaténer le vertical et l’horizon, les grains et les fibres. Des gestes. Jamais pareils les gestes, lancés du coude, aile de poulet poignet de comtesse, arcades, flèches, adductions, et chacun, devant l’obstacle, feinte, touche. Et passe de l’autre côté, au silence gélatineux, au corps hyalin où glissent les fugitifs. Une fugue. Son processus. Son terme. Une fugue toute entière en un instant vue. Non pas une musique à entendre. Mais sa scripture au cristallin, son empreinte, son encre, sa notation. Une futaie, des corps, des cônes, des ponts. Donner à voir, vitré au silence, d’un entendement du monde. Toutes fuites dedans fugue unique en vision preste et un jour ne plus avoir à fuir (mourir?) ou ne plus pouvoir fuir (mourir). Une note longue chuinterait longtemps vers rien. Ou claquerait dans l’outrance de ce rien.
l'être
être l'arbre
être arbre
transplanté
trans
dans les jardins d'eau
dans un jardin d'eau
l'eau
un jardin
planté d'eau
d'arbres transplantés
suis-je seul arbre trans
planté
suis-je arbre transplanté au jardin d'eau
Si elle était, si elle l'était encore, encore un peu, si elle l'était encore un peu, musivaine un peu, si elle l'était, encore encore un peu, un peu, un tout petit peu, l’était-elle, l’a-t-elle été, musivaine, si un peu elle était encore musivaine un peu, joueuse de, encore un peu, ancien, l’était-elle, musivaine, joueuse d’ancien violon, un peu, encore, si, encore un peu, joueuse de, si elle était de violon, d'ancien violon de, musivaine, si elle était encore musivaine, de violon, la toile collée de l’intérieur aux, aux rétines, la toile la couleur et, la forme et, le rythme le son et, elle saurait bien les donner, à voir, ou à crier, ou à pousser, elle saurait dire le peu du tout de la toile, collée, collée de, de l’intérieur aux rétines, engluée aux rétines, à la peau des rétines, collée de l’intérieur au crâne des rétines, toile qui ne cède, toile qui, obsède, ordonne intime, la fuite, le trajet la trace, écharde aux rétines, sutures soudures, filaments en poursuites continues contenues.
Mais ne l’est, plus, musivaine, l’a-t-elle été, ne sait, plus, ne peut, plus, ancien violon, ancien ancien, des sons dans le corps, plus, dans la tête une toile, aux poignets des lames des graviers, verbe des fréquences, géométries imbriquées, vrillées, rafales, aux paumes des mains, rafales dissoutes, plus, musivaine, rien que rêves et suints de, filochées de.
Reprends, reprends. Reprends face, redresse corps, ramasse, ramasse images, modes lignes angles figures, ramasse depuis reins, depuis dos, depuis tripes, depuis paumes, depuis rétines, vois, vois la toile collée de, de l’intérieur aux rétines, recommence, tremblements barrés, calme, et puis paix, recommence encore, va, quiet, vers le dos du jour blanc, à seul à deux à trois à quatre de front, une futaie, va, pousse, porte, contraint cœur, corps emballe d’âme, la main criera en appui sur terre, sa jumelle trace sur le dos du jour blanc, paumes, paumes en creux, chair des marteaux palier après palier, chanterelle crue sous l’index corné, oh redescends oh raisonnable pouce, traîne maillon, de la terre au jour blanc, racle sol et os par deux par trois par quatre de front, une futaie, poignes menottées, bois cerclés, ta peau de fibres sa peau usée du dedans, de l’intérieur, usée collée, collée de l’intérieur aux fibres, aux rétines, résines, musivaine encore, un peu encore, encore, encore un peu, fore après les filaments, perce après les traces du ver, après l’étreinte de la viorne, toile, toile le son, le son porté de, de la terre, de la fibre, porte de l’intérieur la résine, la gésine, à l’intérieur des rétines.
À 28 ans petit homme à moustache drue noire et brève s'assit dessinateur au bureau d'études des Chantiers Maritimes, bâtiment de la Lune, troisième et avant-dernier étage, Rotonde en proue. Son bureau – quatre pieds sans panneau de fond, deux fois trois tiroirs distribués, plateau incliné sur bas ventre – identique aux quatre-vingt-dix autres en trois rangées rompues d'une cabine rectangulaire vitré et centrale, cadrans d'horloges à bonne hauteur sur chaque face. Plafond circonflexe, coque navire retourné, verrières en pans brouillés de draps grisâtres par grosses chaleurs. Du ciel de longues chaînes, de trois mètres en trois mètres, dispensent des globes d'opale claire, les mouches cartographient pointillés, l'hiver salé délaye en bavures brunes. La Rotonde des ingénieurs, en front sur le vieux port carré, tout au bout du bâtiment, la Rotonde, ses bureaux cloisonnés demi-circulaires, il y songe quatre fois par jour, aux sept heures midi deux heures sept heures mugis, sirène des Chantiers. Par les escaliers les dessinateurs industriels, les traceurs, les comptables, les ingénieurs ; par la grille opposée, tout au bout de bâtiment, chavirés, opposés, les manœuvres, les menuisiers, les soudeurs, les riveteurs, les contremaîtres, les apprentis : les bras. Petit homme à moustache dure noire et brève, une tête deux bras réduits à trois doigts de chaque main. Assis, des gestes appliqués, des critériums alignés, des règles équerres tés, et rapporteurs.
Devant l'officiant il se leva. Le plancher de pin grince, la belle-famille grince avec discrétion inquiète et soulagée, l'épousée casée trop loin ou bien assez loin, l'épargne n'est pas moindre ni sans conséquences. Il bourre le tulle dans la Quatre-Chevaux pesant de tout son poids sur la portière suicidaire et, jantes pleines, face moustachue en trois barrettes, emporte la rousse emballée l'automne dernier au dancing des Charrons. Il pilote suffoqué d'organdi vers une mer pourvue d'une Rotonde en proue. Le plancher de la motte de beurre grince, et l'épousée.
Il eut entre 30 et 40 ans quatre occasions successives de s'impatienter dans des salles d'attente de maternités. Pour tendre les bras vers chaque emmailloté pour une première et unique fois chacun, avec un dégoût possessif. Par la suite, les petites filles ça ne se doit mettre sur les genoux de quiconque de masculin, décide-t-il avec l'épousée.
Six mois après ses 38 ans il força une caravane Lafuma au Village-Vacances du Cap S., à un coup d'aile du logis. Celui-ci déplacé loin de la Rotonde ses bras en cœur ses mains viriles et autres bordilles, pour une façade entée dans une colline de cistes et d'arbousiers. Le jardin se mesure d'une nappe dépliée ce qui n'arrive jamais, le cellier cache une citerne sans fond, les tuiles nues du grenier font dormir les enfants, le lavoir fait bac à douche dans la salle d'eau borgne et les quatre murs font ce que font quatre murs dont trois enfoncés dans une colline. La sirène somme quatre fois par jour de se rendre à quai et quatre fois par jour en Solex en 4L en Alfa en Audi il va, le vent d'Est fait passe-son par dessus le col d'Artaud, bizarrement le mistral aussi. En général. Cet été là, depuis la caravane, pas un souffle d'air pour véhiculer les hurlements de la nièce sous ses cuisses, personne, dégun.
Il eut bien quinze années durant loisir de repousser la chaise de cuisine à bonne distance de la table à manger. Il écoute le compte-rendu, les manquements, les mauvais devoirs, les décrottages tous énumérés par l'épousée agitée qui fait aussi ménagère maîtresse d'école et femme d'ingénieur à domicile. Des trois autres muettes et muet en rang il n'inventorie ni bleus ni croûtes, il renverse sur ses genoux et déculotte, il fesse à la commande. Après, il se lève se rend dans le couloir se rembraille, chemise à pans dans pantalon, dos tourné, face à la porte d'entrée et de sortie marron.
Il fêta ses cinquante ans par un premier été dans sa toute neuve maison Phénix gros œuvre achevé. Un soir d'août, sur la terrasse où rouillent des fer de coffrage, alors qu'attablé aux tréteaux, il se dresse soudainement, renversant de la bedaine tout un saladier arcopal de coquillettes, et d'une bonne retournée bien sentie brise le nez de la visitée.
Une nuit plus tard il se débrailla. Une chambre baille sur le dos d'une muette immobile sur le côté, visage tourné vers la fenêtre noire mastiquée de frais, drap et linge de nuit repoussés. Il n'a pas besoin de se rembrailler, il est en slip.
Il jouît dix ans durant du privilège des ciseaux. Dans le couloir de l'entrée marron verrouillée il tourne en tabouret roulettes autour d'un tabouret en formica vert amande. Avec lenteur, application, il taille les pointes, par-ci par-là, rectifie, se tient à une règle, reprend la masse lourde que la visitée en statue aura eu autorisation de dégrafer, quatre fois l'année. D'une main gauche épaisse à laquelle une chevalière rousse comprime une touffe de poils drus très noirs il soupèse et palpe. La droite agite un cliquetis et soulève des mèches, avec de fortes effluves, peut-être d'après-rasage. Satisfait, il congédie se lève se retourne vers la porte d'entrée marron et se rembraille.
Il cocha 60 puis 70 et 80 bien tassés assis répétitivement devant la visitée. Entre-temps au guéridon du téléphone, au bureau à deux fois trois tiroirs enlevé des Chantiers il hurle, il geint, il pleure, il insulte, il se fait douceur il se fait malheur. Il envoie sans retour des justifications par courriers postaux ou électroniques, des photographies de lui-même à tous les âges : lui assis en ingénieur, lui assis à la barre d'un voilier, lui trônant en papet à gilet rayé, lui sur un pliant en jardinier de tomates, lui relaxe au concert Vivaldi, lui attablé au restaurant du port, lui et ses courtes jambes allongées devant une haute grille forgée. Il ne quitte plus le baise-en-ville soudé par la dragonne au poignet. Il poste des captures d'écran où la visitée apparaît dans l'exercice de ses activités, des impressions de résultats de requêtes, son nom prénom et adresse à elle la visitée entourés au critérium mine 6B, des vues satellites avec une croix rouge désignant le lieu, tout juste ne voit-on pas la débusquée. Il légende invariablement je t'ai retrouvée. Parfois en recommandé avec accusé, et caetera et caetera.
Il atteignît 86 ans. À l'automne il quitte une nuit la couche conjugale vide pour un verre d'eau. Dans le salon l'épousée agitée se relève en sursaut et le fils se rembraille.
Il stagna assis dans un âge à demeure, impuissant. On s'étonne des bleus des croûtes des cornes, des crasses, des linges douteux, on le déculotte et reculotte, on interroge, on alerte en vain.
Il eût ainsi tous les âges. Et celui du vent passant sur lui un matin d'hiver, un mistral, vers cinq heures et ce n'est pas encore l'aube. Il demeure assis sur le matelas, l'épousée furieuse le roue qui, durant l'office entier et depuis le premier rang, travée gauche, filmera sa cérémonie funéraire. Dégun ou tout comme.